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LE MÉNAGIER DE PARIS

ENTREMÈS, FRITURES ET DORURES.

FROUMENTÉE.1 Premièrement, vous convient monder vostre froument ainsi comme l'en fait orge mondé, puis sachiez que pour dix escuelles convient une livre de froument mondé, lequel on treuve aucunes fois sur les espiciers tout mondé pour un blanc2 la livre. Eslisiez-le et le cuisiez en eaue dès le soir, et le laissiez toute nuit couvert emprès le feu en eaue comme tiède, puis le trayez et eslisez. Puis boulez du lait en une paelle et ne le mouvez point, car il tourneroit: et incontinent, sans attendre, le mettez en un pot qu'il ne sente l'arain; et aussi, quant il est froit , si ostez la cresme de dessus afin que icelle cresme ne face tourner la fourmentée, et de rechief faites boulir le lait et un petit de froument avec, mais qu'il n'y ait guères de froument; puis prenez moyeux d'oeufs et les coulez, c'est assavoir pour chascun sextier de lait un cent d'oeufs, puis prenez le lait boulant, et batre les oeufs avec le lait, puis reculer le pot et getter les oeufs, et reculer; et se l'en veoit qu'il se voulsist tourner, mettre le pot en plaine paelle d'eaue. A jour de poisson , l'en prend lait : à jour de char , du boullon de la char; et [p. 211] convient mettre saffran se les oeufs ne jaunissent assez: item, demie cloche de gingembre3.


FAULX GRENON. Cuisiez en eaue et en vin des foies et des jugiers4 de poulaille, ou de char de veel, ou d'une cuisse de porc ou de mouton , puis la hachiez bien menuement et friolez au saing de lart : puis broyez gingembre, canelle, giroffle, graine, vin, vertjus, boullon de beuf ou de celluy mesmes, et des moyeux grant foison, et coulez dessus vostre char, et faites bien boulir ensemble. Aucuns y mettent du saffran, car il doit estre sur jaune couleur, et aucuns y mettent pain harlé, broyé et coulé, car il doit estre liant et d'oeufs et de pain, et si doit estre aigre de vertjus. Et au drécier, sur chascune escuelle, pouldrez pouldre de canelle5.

MORTEREUL est fait comme faulx grenon, sauf tant que la char est broyée ou mortier avec espices de canelle: et n'y a point de pain, mais pouldre de canelle pardessus.

TAILLIS à servir comme en karesme. Prenez fins roisins, lait d'amandes bouli, eschaudés, galettes et croutes de pain blanc et pommes couppées par menus morceaulx quarrés, et faites boulir vostre lait, et saffren [p. 212] pour lui donner couleur, et du succre, et puis mettez tout ensemble tant qu'il soit bien liant pour tailler6. L'en en sert en karesme en lieu de riz.

POUCINS FARCIS. Il convient souffler un poucin quant il est tout vif, et est soufflé par le col; puis liez le col et laissiez mourir: puis eschaudé, plumé, effondré, reffait et farcy.

Item, autrement, quant il est du tout appareillié pour mettre en broche, par endroit le pertuis là où l'en l'a effondré, l'en luy dessevre7 au doit la pel de la char, puis l'en le farcist au bout du doit, et recoust- l'en à sourget8, endroit le trou, la pel avec la char, et met-l'en en broche.

Et nota que la farce est faite de percil et un petit de sauge avec oeufs durs et beurre, tout hachié ensemble, et mettre parmi pouldre fine avec. A chascun poucin convient trois oeufs, blanc et tout.

POUR ENGRESSER POUCINS, mettez-les en orbe9 lieu, et leur nettoiez leur auget ou abeuvrouer neuf fois ou dix le jour, et leur donnez à chascune fois nouvelle paisson, et fresche et nouvelle eaue; c'est assavoir pour paisson , avoine batue que l'en doit dire gruyau d'avoine, destrempé en lait ou matons10 de lait un petit; et aient le pié sec jusques à neuf jours.

POUR ENGRESSER UNE OÉ EN TROIS JOURS, paissez-la de mie de pain chault trempé en matons ou lait maigre11.

POUR FAIRE PERDRIAULX DE POUCINS, il convient avoir petites poulettes, et les tuer un ou deux jours devant, [p. 213] puis appareillier, et copper les jambes et les cols, oster les charcois12 et getter hors, rompre la granche13, et pousser les cuisses pour faire la char plus courte, puis boutonner et rostir, et mengier au sel comme perdriaulx.

POULAILLE FARCÉE AUTREMENT14. Prenez vos poulles et leur couppez le gavion, puis les eschaudez et plumez, et gardez que au plumer la peau ne soit dessirée; puis les reffaites en eaue, puis prenez un tuel et le boutez entre cuir et char, et le soufflez: puis 1e15 fendez entre deux espaules et n'y faictes pas trop grant trou, et en tirez hors les charcois, et le16 laissiez à sa peau les cuisses, les esles, le cul17 à tout la teste et piés. Et pour faire la farce, prenez char de mouton, de veel et de porc et du braon18 des poulles; hachiez tout ensemble tout cru, puis le broyez en un mortier, et des oeufs tous crus avec et de bon fromage de gain19 et de bonne pouldre d'espices et bien pou de saffren, et saler à point. Puis emplez vos poulles et ce trou soit recousu20, et du remenant de vostre farce faites-en pommes ainsi comme [p. 214] pasteaulx de guède21, et mettez cuire en boullon de beuf ou en belle eaue22 boulant, et du saffran grant foison, et qu'il ne boulle pas trop fort qu'ils ne se despiècent; puis les enhastez en une broche bien déliée. Et pour les dorer, prenez grant foison de moieux d'oeufs et les batez bien en un pou de saffren broyé avec, et les en dorer; et qui veult dorer vert, si broye la verdure et puis des moyeux d'oeufs grant foison bien batus et passés par l'estamine pour la verdure, et en dorer poulaille quant elle sera cuite et vos pommes. Et dréciez vostre broche ou vaissel où vostre doreure sera, et gettez tout au long vostre doreure, et remettez au feu par deux fois ou par trois, afin que vostre doreure se preingne; et gardez que vostre doreure n'ait pas trop grant23 feu afin qu'elle ne arde.

RIS ENGOULÉ a jour de mengier char. Eslisez-le et le lavez en deux ou en trois paires de eaues chaudes, et mettez ressuer sur le feu, puis le mettez en lait de vache frémiant, et broyez du saffran pour le jaunir: deffait de vostre lait, et puis mettez dedans du gras du boullon de beuf24.

Aliter, RIS. Eslisez-le et le lavez en deux ou trois paires d'eaues chaudes tant que l'eaue reviengne toute clère, puis le faites ainsi comme demy cuire, puis le purez et [p. 215] mettez sur tranchouers en plas pour esgouter et séchier devant le feu: puis cuisiez bien espois avec l'eaue de la gresse de la char de beuf et avec du saffran, se c'est à jour de char: et se c'est à jour de poisson, n'y mettez pas eaue de char, mais en ce lieu mettez amandes bien forment broyées et sans couler; puis succrer et sans saffren.

POUR FAIRE UNE FROIDE SAUGE, prenez vostre poulaille et mettez par quartiers, et la mettez cuire en eaue avec du sel, puis la mettez reffroidier: puis broyez gingembre, fleur de canelle, graine, giroffle, et broyez bien sans couler; puis broyez du pain trempé en l'eaue des poucins, percil le plus, sauge et un pou de saffren en la verdure pour estre vertgay, et les coulez par l'estamine, (et aucuns y coulent25 des moyeux d'oeufs durs) et deffaites de bon vinaigre: et icelles deffaites, mettez sur vostre poulaille, et avec et pardessus icelle poulaille mettez des oeufs durs par quartiers et gettez vostre sausse pardessus tout.

Aliter, prenez le poucin et le plumez, puis le mettez boulir et du sel tant qu'il soit cuit, puis l'ostez et le mettez par quartiers reffroidier: puis mettez cuire des oeufs durs en l'eaue, et mettez du pain tremper en vin et vertjus ou vinaigre, et autant de l'un comme de l'autre; puis prenez du percil et de la sauge, puis broyez gingembre, graine, et coulez par l'estamine, et coulez les moyeux d'oeufs, et mettez des oeufs durs par quartiers dessus les poucins, et puis mettez vostre sausse pardessus.

SOUS DE POURCELET se fait ainsi comme d'une froide sauge, sans y mettre nuls oeufs et point de sauge ne de [p. 216] pain. Il est fait du groing, des oreilles, de la queue, des jarrets cours26, et des quatre trotignons27 bien cuis et très bien plumés, puis mis en sausse de percil broyé, vinaigre et espices.

POTAGE PARTI OU28 FAULX GRENON. Prenez une cuisse de mouton ou foies et jugiers de poulailles, et les mettez cuire très bien en eaue et en vin, et les tranchez comme quarrés: puis broyez gingembre, canelle, giroffle et un pou de saffren et graine de paradis, et deffaites de vin et de vertjus, du bouillon de char, (de celluy mesmes ou de la char à cuire29,) et puis ostez du mortier; puis aiez pain hazé30 trempé en vin et vertjus, broyez très bien, et après ce le passez par l'estamine, et faictes tout boulir ensemble, puis prenez la char et la frisiez au lart et la gettez dedans, et prenez dedens31 moieux d'oeufs passés par l'estamine, et gettez dedans pour lier. Et après dréciez par escuelles, et gettez dessus pouldre de canelle et sucre : c'est assavoir gettez sur la moitié de l'escuelle et non sur l'autre; et l'apelle-l'en Potageparti.32

FLAONS EN KARESME. Affaitiez et estauvez anguilles cuisiez-les après en si chaude eaue que vous en puissiez oster la char sans les arestes, et laissiez aussi la teste et la queue, et ne prenez que la char; et broyez [p. 217] du saffren ou mortier, puis broyez dessus la char de l'anguille, destrempez de vin blanc , et de ce faites vos flaons; et succrez pardessus.

Item, flaons ont saveur de frommage quant l'en les fait de laittences de lus, de carpes, amandes ou amidon broyés, et du saffren destrempé de vin et de sucre foison dessus.

Item,se font de char de tanches, lus, carpes, et amidon , saffran, deffait de vin blanc et succre dessus.

TARTE JACOBINE. Prenez des anguilles et les eschaudez et tronçonnez par petis tronçons qui n'aient que demy doit d'espois, et prenez de la cloche33, du frommage de gain34 esmié, et puis cela soit porté au four et que l'en face une tarte, et que l'en pouldre du frommage au fons, et puis que l'en mette l'anguille debout, et puis du frommage un lit, et puis un lit de cols35 d'escrevices, et tousjours, tant comme chascun durera, un lit d'un et un lit d'autre. Et puis boulez du lait, et puis boulez36 du saffran et du gingembre, graine, giroffle, et puis destrampez du lait, et puis mettez dedans la tartre quant elle aura esté un pou au four, et mettez du sel dedans le lait, et qu'elle ne soit point couverte; et pongnez37 les piés des escrevices, et faites un joly couvescle à par soy38, pour mettre dessus quant elle sera cuite.

AUTRE TARTRE. Nota que de la farcissure d'un cochon peut-l'en faire une tartre couverte, et que la farce soit bien faite.

[p. 218]
 

POUR FAIRE UNE TOURTE, prenez quatre pongnées de bettes, deux poignées de percil , une pongnée de cerfueil, un brain de fanoil et deux pongnées d'espinoches39, et les eslisez et lavez en eaue froide, puis hachiez bien menu: puis broyez de deux paires de frommages, c'est assavoir du mol et du moïen, et puis mettez des oeufs avec ce, moyeu et aubun, et les broyez parmi le frommage; puis mettez les herbes dedans le mortier et broyez tout ensemble, et aussi mettez-y de la poudre fine. Ou en lieu de ce aiez premièrement broyé ou mortier deux cloches de gingembre, et sur ce broyez vos frommages, oeufs et herbes, et puis gettez du vieil frommage de presse40 ou autre gratuisé41 dessus celles herbes, et portez au four, et puis faites faire une tartre et la mengez chaude.

POUR FAIRE QUATRE PLATS DE GELÉE DE CHAR, prenez un cochon et quatre piés de veau et faites plumer deux poucins et deux lappereaulx tous meigres, et fault oster la gresse, et seront fendus tout au long tous crus, excepté le cochon qui est par morceaulx : et puis mettez en une paelle trois quartes de vin blanc ou claret, une pinte de vinaigre, une chopine de vertjus, faictes boulir et escumer fort; puis mettez dedans en un petit drapelet délié le quart d'une once de saffran pour donner couleur ambrine, et faictes boulir char et tout ensemble avec un pou de sel; puis prenez dix ou douze cloches de gingembre blanc42 ou cinq ou six
cloches de garingal , demie once de graine de paradis, trois ou quatre pièces de folium de macis, pour deux [p. 219] blans, citoual43 : cubebbes44, espic45 pour trois blans:   fueilles de lorier, six nois muguettes; puis les escachiez en un mortier et mettez en un sachet et mettez boulir avec la char tant qu'elle soit cuite, puis la traiez et mettez sécher sur une nappe blanche , puis prenez pour le meilleur plat les piés , le groin et les oreilles: et du remenant aux autres. Puis prenez une belle touaille46 sur deux tresteaux, et versez tout vostre chaudeau dedans, excepté les espices que vous osterez, et mettez couler pour potage, et ne la remuez point afin qu'elle reviengne plus clère. Mais s'elle ne couloit bien , si faites feu d'une part et d'autre pour la tenir chaude pour mieulx couler, et la coulez avant deux ou trois fois qu'elle ne soit bien clère47, ou parmi une nappe en trois doubles. Puis prenez vos plas et dréciez vostre char dedans, et aiez des escrevices cuites, dont vous mettrez dessus votre char des cuisses et la queue; de vostre gelée, laquelle sera réchauffée, versez tant dessus la char que la char baigne et soit couverte dedans, car il n'y doit avoir que un petit de char, puis mettre une nuit refroidier en la cave, et au matin poigniez dedans clos de giroffle et fueilles de lorier et fleur de canelle, et semez anis vermeil. Nota que pour la faire prendre en deux heures , il convient avoir graine de coings, philicon48 et gomme de cerisier, et [p. 220]  tout ce faire conquasser et mettre en un sac de toile boulir avec la char.

Item, à jour de poisson, l'en fait gelée comme dessus, de lus, de tanches, de bresmes, d'anguilles, d'escrevices et de loche. Et quant le poisson est cuit, l'en le met essuier et sécher sur une belle nappe blanche, et le peler et nettoier très bien, et getter les
peleures ou bouillon.

Item, POUR FAIRE GELÉE BLEUE, prenez dudit boullon, soit poisson ou char, et mettez en une belle paelle et faites boulir encores sur le feu, et prenez sus un espicier deux onces de tournesot49 et le mettez boulir avec tant qu'il ait bonne couleur, puis l'espraingnez et ostez: et puis prenez une pinte de loche50 et le cuisiez autre part, et eschaudez la loche en vos plats, et laissiez couler le boullon comme dessus, et laissiez refroidier. Item,de ce mesmes se fait un bleu. Et se vous voulez faire armoirie dessus la gelée, prenez or ou argent, lequel que mieulx vous plaira, et de l'aubun d'un oeuf tracez à une plumette, et mettez de l'or dessus à une pincette.

Aliter,POUR VINT PLAS DE GELÉE convient dix lappereaulx meigres, dix poucins meigres, une chopine de loche qui peut valoir trois sols: un cent d'escrevices qui ne soient pas de Marne, six sols : un cochon meigre, trois sols huit deniers; (et combien qu'il soit meigre, encores convient-il oster la gresse d'entre la [p. 221] couenne et la char, et faire petis morceaulx quarrés,) trois espaules de veau, quatre sols : huit quartes de vin pour cuire le veau tout en vin, deux quartes de vinaigre : demie aulne de toile de lin, deux sols. Item, il convient cuire le veel tout en vin et vinaigre, et escumer et mettre du sel dedans, puis traire51, et cuire les lappereaulx et poucins, et escumer, et mettre la moitié du lorier et mettre du saffren en une toile ou sachet pour cuire avec : aussi mettre les espices bien petit moulues ou mortier de pierre; et quant tout est cuit, si le faictes couler parmy l'estamine et toile, et regetter tant qu'il soit bien cler; puis cuisiez la loche d'une part et les escrevisses d'autre, et prenez les queues des escrevisses, et faites vos plats chascun de demy lappereau, demy poucin, six loches et quatre52 queues d'escrevices; et les mettez en la cave ou celier, et asséez vos plats bien drois, et gettez vostre gelée dessus et l'emplez bien. Et le lendemain53, mettez sur chascun plat violette blanche, grenade et dragée vermeille et quatre fueilles de lorier.

UNE ANDOUILLE D'ESTÉ. Prenez une fressure d'aignel ou chevrel et ostez la taye, et le remenant cuisiez en eaue et un petit de sel: et quant elle sera cuite, si la hachez bien menu ou broyez, puis ayez six moyeux d'oeufs et pouldre fine, une cuillier d'argent, et batez tout ensemble en une escuelle; puis mettez et meslez vostre fressure avec vos moyeux d'oeufs et pouldre, puis estendez tout sur la coiffe ou taye, et entortilliez en guise d'andouille, puis liez de fil laschement du long, et puis au travers bien dru ; et puis rostir sur le [p. 222] greil , puis ostez le fil et servir. Vel sic:faites-en pommettes, c'est assavoir de la taye mesmes, et icelles pommettes frisiez en sain de porc doulx.

POMMEAULX. Prenez d'un cuissot de mouton le meigre tout cru, et autant de la cuisse de porc meigre:  soit tout ensemble hachié bien menu, puis broyez ou mortier gingembre, graine, giroffle, et mettez en pouldre sur vostre char hachée, et puis destrempez d'aubun et non pas du moyeu; puis paumoyez54 aux mains les espices et la char toute crue en luy donnant forme de pomme, puis quant la forme est bien faite, l'en les met cuire en l'eaue avec du sel, puis les ostez, et ayez de broches de couldre55 et les embrochiez et mettez rostir; et quant ils se roussiront, ayez percil broyé et passé par l'estamine et de la fleur56 meslée ensemble, ne trop cler ne trop espois, et ostez vos pommeaulx de dessus le feu et mettez un plat dessoubs, et en tournant la broche sur le plat, oingnez vos pommeaulx, puis mettez au feu tant de fois que les pommeaulx deviennent57 bien vers.

RENOULLES58. Pour les prendre, aiez une ligne et un ameçon avec esche59 de char ou d'un drap vermeil, et icelles renoulles prises, couppez-les à travers parmi le corps emprès les cuisses et vuidiez ce qu'il y sera emprès le cul, et prenez desdictes renoulles les deux cuisses, coupez les piés, et lesdites cuisses pelez toutes crues, puis aiez eaue froide et les lavez; et se les cuisses demeurent une nuit en eaue froide, de tant sont-elles meilleurs et plus tendres. Et ainsi trempées, soient [p. 223] lavées en eaue tiède, puis mises et essuites en une touaille; lesdictes cuisses, ainsi lavées et essuites, soient en farine touillées, id est enfarinées, et puis frites en huille , sain ou autre liqueur, et soient mises en une escuelle et de la pouldre dessus60.

LIMASSONS que l'en dit escargols,convient prendre à matin. Prenez les limassons jeunes, petis, et qui ont coquilles noires, des vignes ou des seurs61, puis les lavez en tant d'eaue qu'ils ne gettent plus d'escume: puis les lavez une fois en sel et vinaigre et mettez cuire en eaue. Puis il vous convient traire iceulx limassons de la coquerette au bout d'une espingle ou aguille, et puis leur devez oster leur queue, qui est noire, car c'estleur m..de; et puis laver, mettre cuire et boulir en eaue, et puis les traire et mettre en un plat ou escuelle, à mengier au pain. Et aussi dient aucuns qu'ils sont meilleurs fris en huille et oignon ou autre liqueur après ce qu'ils sont ainsi cuis que dit est dessus, et sont mengiés à la pouldre, et sont pour riches gens62.

PASTÉS NORROIS sont fais de foie de morue et aucunes fois du poisson hachié avec. Et fault premièrement un petit pourboulir, puis hacher, et mis en petis pastés de trois deniers pièce et de la pouldre fine pardessus. Et quant le pasticier les apporte non cuis ou four, sont fris tous entiers en huille et c'est à jour de poisson; et à jour de char, l'en les fait de mouelle de beuf qui est reffaite, c'est à dire que l'en met icelle [p. 224] mouelle dedans une cuillier percée, et met-l'en icelle cuillier percée avec la mouelle dedans le bouillon du pot à la char, et l'y laisse-l'en autant comme l'en laisseroit un poucin plumé en l'eaue chaude pour reffaire; et puis la met-l'en en eaue froide, puis couppe-l'en la mouelle et arrondist-l'en comme gros jabets63 ou petites boulettes, puis porte-l'en au pasticier qui les met quatre et quatre ou trois en un pasté et de la pouldre fine dessus. Et sans cuire ou four sont cuis en sain.
    Et qui en veult faire buignets de mouelle, convient la reffaire en la manière64, puis prendre de la fleur et des moyeux d'oeufs et faire 1e65 paste, prendre chascun morcel de mouelle et frire au sain. Des buignets quérez le remenant.
 
 
 


[p. 210]

1 Suppléez: se.

2 Var. A, Fourmentée.

3 Voy. p. 111, n. 2.

[p. 211]

4 On trouve des recettes de ce plat très-usité au moyen âge dans le Taillevent manuscrit et imprimé, dans le Grand Cuisinier (ff. 41, 45) , et dans le Trésor de santé, p. 24. Celle du Ménagier est la plus complète. On mangeoit presque toujours la venaison à la fromentée. On a pu le remarquer dans les Menus qui précèdent (p. 93, etc.), et Hardoyn de Fontaines Guérin le dit positivement dans son Trésor de vénerie (p. 5l et note 56).

5 Var. B, jusiers, plus conforme à gésier qui a prévalu aujourd'hui quoique tout à fait dissemblablede gigier, racine de ce mot employée par Festus et Lucilius. Le peuple dit gigier avec beaucoup plus de raison.

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6 G.C., 30. Même recette que dans Taillevent imprimé et manuscrit.

[p. 212]

7 Épais à pouvoir le tailler (à couper au couteau). G. C., 74. La recette de Taillevent est presque la même.

8 Sépare.

9 Surjet.

10  Cailles, lait caillé. (Brique de lait, maton signifiant proprement brique. Voy. Du Cange à Matto.)

11 Lait de beurre.

[p. 213]

12 Les carcasses. Voy. p. 170, n.1.

13 Ce doit être l'estomac où est le grain mangé par l'animal : granea.

14 Cette recette est dans Taillevent, imprimé et manuscrit, mais avec plusieurs différences dont l'une est que Taillevent défend de refaire les volailles, contrairement à ce qui est dit ici.

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15 Il faudroit les ou la (la poule); Tailleveut dit : l'enflez, puis la fendez.

16 Mot qui paroît de trop.

17 Ce doit être le col comme dans Taillevent.

18 Broyons dans Taillevent, manuscrit Bibl. Mazarine, et blancs dans le manuscrit de la Bibl. Royale.

19 Foies, intestins. Voy. p. 149, n. 7.

20 Je ne sais quel est ce fromage. Le dictionnaire de Trévoux cite bien un fromage dit d'Anguin; mais sa composition ne me paroît pas convenir à l'emploi fait ici du fromage de gain. Le Taillevent imprimé dit fromage de guin: le manuscrit de la Bibl. Royale de gain, et le manuscrit de la Bibl. Mazarine, fin fromage.

21 Ces deux mots ne sont que dans C.

[p. 214]

22 Il est dit dans la Maison rustique, éd. de 1570, p. 105, que quand on a exprimé au pressoir l'aquosité de la guède, on rédige le marc par petites pastilles qu'on fait sécher au soleil et que ces pastilles sont jetées dans les cuves où l'on met les laines à teindre. Ce sont ces pastilles ou pasteaux, sans doute d'une grosseur fixée par l'usage et connue que notre auteur prend ici pour terme de comparaison. - Cette phrase, depuis soit recousu jusqu'à et pour les dorer, n'est pas dans Taillevent.

23 Le manuscrit A ajoute de boeuf.

24 Ce mot n'est que dans le Ms. C.

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25 C'est la même recette que celle de Taillevent. ( Ms. Bibl. Royale.)

[p. 215]

26 Var. B, pour couleur, au lieu de y coulent.

[p. 216]

27 Le jarret de devant, ou la dernière, la plus courte articulation?

28 Extrémité du pied?

29 Ce mot n'est pas dans le manuscrit A.

30 Var. C, où la char aura cuit.

31 Ce mot doit être synonyme de harlé, hâlé, grillé.

32 Mot qui est de trop, à moins qu'on ne lise de deus (deux).

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33  Parce qu'il étoit ainsi divisé par une ligne verticale en deux portions de couleur différente, comme un écusson parti en blason. Le potage écartelé doiit il est question dans les Menus devoit se faire d'une manière analogue , sauf qu'il étoit écartelé (divisé en quatre portions par deux lignes en croix) au lieu d'être parti. Voy. p. 211 un  autre faulx grenon.

[p. 217]
 

34 Du gingembre.

35 Voy. ci-dessus, p. 213.

36 Sans doute queues.

37 Ce doit être boutez, ou plutôt broyez.

38 Piquez les pattes d'écrevisses dans la tarte.

39 A part, séparément.

[p. 218]

40 Épinards. Voy. p. 141.

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41 Pressé?

42 Râpé.

43 Sans doute gingembre de mesche.  Voy. p. 230.

[p. 219]
 

44 Racine d'arbre autrement dite zedoaria,suivant Jacques de Vitry cité par Du Cange au mot Zedoaria.

45 C'est le poivre de cubèbe, employé aujourd'hui seulement dans la pharmacie.

46 Le nard, spica nardi ,dans le Trésor de Santé. Voy. aussi Du Cange à Spicus.

47 Var. B, toile. -

48 Il semble qu'il faudroit etla couler deux ou trois fois avant qu'elle, etc.

49 Peut-être ce mot désigne-t-il la filicule, plante astringente de l'espèce des fougères.

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[p. 220]

50 Tournesol. Fruit de l'heliotropium tricoccum. Voy. Trévoux.

51 Ce mot désigne ici le poisson du même nom qui semble avoir été ainsi vendu à la mesure, car nous allons voir (article des vingt plats de gelée) l'auteur parler d'une chopine de loche qui, répartie entre vingt plats , donnoit six loches par plat. Si son calcul n'est pas erroné ( comme celui qu'il fait des éscrevisses) , une chopine de loche auroit contenu cent vingt loches environ.

[p. 221]

52 Oter le veau.

53 Il en faudroit cinq pour employer les cent écrevisses dans vingt plats.

54 Ainsi dans les trois manuscrits Voy. p. 196, n.1.
 

[p. 222]

55 Frappez, pressez de la paume de la main.

56 Var. fautive de A, paronoyez.

57 Noisetier.

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58 Farine.

59 Grenouilles.

[p. 223]

60 G.C., 68 vo (tronqué).

61 Sureaux, suivant Roquefort. (Voy. plus loin R. de la glux.) Le G. C., qui donne cette recette (f. 73 vo),  dix aux vignes et aux jardins.

62 On trouve à la fin du Calendrier des Rergiers.(Paris, 1493, in-fo, f. N vj) une pièce très-bizarre sur le limaçon, dans laquelle on lui dit : Onques Lombard ne te mangeat, A telle saulce que (nous) ferons, Si te mettrons en ung grant plat, Au poyvre noir et aux ongnons.

[p. 224]

63 Ainsi écrit dans les trois manuscrits; mais ce doit être jalet, caillou rond (galet) ou balle de plomb qu'on lançoit avec une arbalète dite arc à jalet:  de jaculum.

64 Suppléez que dessus.

65 Sans doute la paste et non le pasté.

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