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ROST DE CHAR.
LANGUE DE BEUF fresche soit parboulie, pelée, lardée et rostie, et mengée à la cameline.
Item, est assavoir que la langue du vieil vault mieulx que la langue du jeune beuf, si comme aucuns dient; autres dient le contraire.
En Gascongne, quant il commence à faire froit, ils achètent des langues, les parboullissent et pelent, et puis les salent l'une sur l'autre en un salouer et laissent huit jours, puis les pendent â la cheminée tout l'iver, et en esté, hault, à sec; et ainsi se gardent bien dix ans. Et puis sont cuites en eaue et vin qui veult, et mengées a la moustarde.
Aliter, langue de beuf vieil soit parboulie, pelée et nettoiée: puis embrochée, boutonnée de clous de giroffle, rostie, et mengée à la cameline.
ALLOUYAUX DE BEUF. Faictes lesches de la char du trumel, et enveloppez dedens mouelle et gresse de beuf: embrochiez, rostissiez et mengiez au sel.
MOUTON ROSTI au sel menu ou au vertjus et vinaigre. L'espaule soit première embrochée et tournée devant le feu jusques à ce qu'elle ait getté sa gresse, puis soit lardée de percil: et non plus tost pour deux causes, [p. 178] l'une car adonc elle est meilleur à larder, l'autre car qui plus tost la larderoit, le percil1 s'ardroit avant que l'espaule fust rostie.
PORC eschaudé, rosty en la broche: et mettre du sain doulx en la paelle, et au bout d'un baston avoir des plumes, et oindre l'escorce ou couanne du porc afin qu'elle ne s'arde et endurcisse ou larder. Et autel convient-il faire à un cochon,2 ou le larder; et est mengié au vertjus de grain ou vertjus vieil et ciboule.
POURCELET FARCI. Le pourcelet tué et acouré3 par la gorge soit eschaudé en eaue boulant, puis pelé: puis prenez de la char meigre de porc, et ostez le gras et les issues du pourcelet et mettez cuire en l'eaue, et prenez vint oeufs et les cuisiez durs, et des chastaingnes cuites en l'eaue et pelées: puis prenez les moyeux des oeufs, chastaingnes, fin fromage vieil, et char d'un cuissot de porc cuit, et en hachez, puis broyez avec du saffran et pouldre de gingembre grant foison entremellée parmy la char; et se vostre char revient trop dure, si l'alaiez de moyeux d'oeufs. Et ne fendez pas vostre cochon parmy le ventre, mais parmy le cousté le plus petit trou que vous pourrez: puis le mettez en broche, et après boutez vostre farce dedans, et recousez à une grosse aguille; et soit mengié ou au poivre jaunet se c'est en yver, ou à la cameline se c'est en esté.
Nota que j'ay bien veu pourcelet lardé, et est très bon. Et ainsi le fait-l'en maintenant et des pigons aussi.
[p. 179]
CONNINS pourboulis, lardés , en rost, à la cameline.
L'en scet bien se un connin est gras etc.4
VEEL ROSTY. Soit harlé au feu en la broche et sans laver, puis lardé, rosti, et mengié à la cameline. Aucuns le pourboulent, lardent, puis embrochent. Ainsi le souloit5-l'en faire.
CHEVREAULX, AGNEAULX. Boutez en eaue boullant et tirez hors tantost, et harlez en la broche; puis rostis et mengiés à la cameline.6
BOURBELIER DE SANGLIER.7 Primo le convient mettre en eaue boulant, et bien tost retraire et boutonner de giroffle; mettre rostir, et baciner8 de sausse faicte d'espices, c'est assavoir gingembre, canelle , giroffle, graine, poivre long et noix muguettes, destrempé de vertjus, vin et vinaigre, et sans boulir l'en baciner; et quant il sera rosti, si boulez tout ensemble. Et ceste sausse est appellée queue de sanglier , 9et la trouverez cy-après (et là il la fait liant de pain: et cy, non).
POUR CONTREFAIRE D'UNE PIÈCE DE BEUF, VENOISON D'OURS. Prenez de la pièce d'emprès le flanchet, et soit tronçonnée par gros tronçons comme bouly lardé, puis pourbouli, lardé et rosti: et puis boulez une queue de sanglier,10 et mettez vostre grain11 peu boulir, et gettez sausse et tout en un plat.
[p. 180]
Toute venoison fresche sans baciner se mengue à la cameline.
OÉS rosties à 1'aillet blanc en yver, ou à la jance.
Et nota que en Aoust et Septembre, quant les oisons sont aussi grans comme père et mère, l'en congnoist les jeunes à ce que quant l'en appuie son poulce sur leur becq, il fond soubs le poulce, et aux autres non.
Item, nota que oisons mis en mue, se ils sont bien petis, ils engressent jusques au neuvième jour, et après ameigrissent: mais les oés engressent toujours sans défrire;12 et soit l'un, soit l'autre, il les convient tenir seichement et garder de mouillier leurs piés, ne estre sur lictière moitte, mais finement seiche, et garder de baigner ne mengier verdure, et ne voient point de clarté, et soient peus de fourment cuit, et abeuvrés de lait meigre ou de l'eaue en quoy le fourment aura cuit, et ne leur convient donner autre buvrage, et soient peus de bonne avoine.
A Paris, les oiers engressent leurs oisons de farine etc.13
CHAPONS, GÉLINES, faisandés de deux ou de trois jours, embrochiés, flambés, et rostis, mettez au vertjus avec leur gresse; bouly, à la poictevine ou à la jance.
POUCINS gros comme hétoudeaux14 en Juillet, tués [p. 181] deux jours devant, et rostis, flambés, mengiés au moust qui se fait en tout temps de vin, vertjus et foison sucre.
Pour les faisander, il les convient saigner, et incontinent les mettre et faire morir en un seel d'eaue froide, et tantost remettre en un aultre seel d'eaue très froide, et il sera faisandé ce matin mesmes comme de deux jours tué .15
MENUS OISEAULX. Plumez à sec et laissiez les piés, et embrochiez parmy le corps: et entre deux mettre une pièce de lart gras tanné16 comme une fueille.
MALARS DE RIVIÈRE. En yver, quant les jeunes etc.17
Item, malars de rivière plumez à sec, puis mettre sur la flambe: ostez la teste et la gettez, et laissiez les piés; puis mettez en broche et une leschefrite dessoubs pour requeillir la gresse, et mettre des oignons dedans qui se frisent en la gresse. Et quant 1'oisel est cuit, mettez du lart et du percil en la leschefrite, et boulez tout ensemble, et des tostées dedans, et l'oisel par pièces; ou soit mengié au sel menu.
Item, autrement se peut faire. Mettez en la leschefrite des oignons comme dit est, et quant l'oisel sera cuit, si mettez en la leschefrite un petit de vertjus et moitié vin moitié vinaigre, et tout bouli ensemble, et après mis la tostée. Et ceste derrenière sausse est appellée le Saupiquet.
PAON, Faisans, Cigoignes, Héron, Outardes, Grues, Gentes, Butor, Cormorant, soient plumés à sec ou saignés comme le cigne, et laissez à ceulx à qui il [p. 182] appartient les testes et queues, et aux autres testes et piés:18 et du surplus comme du cigne.
Item, au faisant à qui l'en oste la queue, l'en luy reboute deux ou trois plumes quant il est rosty, mais atourné.19
COULONS RAMIERS sont bons en yver; et congnoist-l'en les viels à ce qu'ils ont les venneaux des esles tout d'une couleur noire, et les jeunes qui sont de celluy an ont le bout des venneaux cendrés et le surplus noir comme les autres;20 et sont bons en pasté, à la cameline frois, ou tous chaulx à la sausse d'oiseaulx de rivière, ou rostis longuement comme beuf et mengiés au sel, ou à la dodine, par pièces, en un plat, comme oiseaulx de rivière.
Nota que à Bésiers, l'en vent de deux paires21 de coulons ramiers, les uns petis, et ceulx ne sont pas les meilleurs, car les grans sont de meilleur saveur et menguent le glan au bois comme font les pourceaulx; et les mengue-l'en au boussac comme un connin, et mis par quartiers: et aucunes fois à la sausse des halebrans, et en rost à la dodine; ou qui en veult garder, soient mis en pasté lardés. Et sont en saison de la [p. 183] Saint-Andry jusques en karesme, et ne viennent fors de trois ans en trois ans.
PLOUVIERS ET VIDECOQS. Plumer à sec, bruler et laissier les piés; rostir et mengier au sel.
Et nota que trois paires d'oiseaulx sont, que les aucuns queux rostissent sans effondrer; scilicet aloés, turtres et plouviers, pour ce que leurs bouyaulx sont gras et sans ordure, car aloés ne menguent fors pierettes et sablon: turtres, graine de genèvre et herbes souef-flairans: et plouviers vent.22
Perdrix s'adouent vers la my Février, et adonc s'envolent deux et deux: et en Pasqueret se doivent cuire en l'eaue, avec char de beuf, un boullon largement; puis les tirer et rostir.
Item, les perdris qui ont les plumes etc.23
Item, perdrix se doivent plumer à sec, et copper les ongles et la teste, reffaire en eaue boulant, puis boutonner de venoison qui en a, ou lart, et mengier au sel menu, ou à l'eaue froide et eaue rose et un petit de vin, ou en eaue rose les trois pars, jus de pomme d'orenge et vin, le quart.24
CIGNE. Plumez comme un poucin ou une oé, eschaudez, ou reffait; embrochiez, arçonnez25 en quatre [p. 184] lieux, et rostissiez à tout les piès et bec tout entier, et la teste sans plumer; et mengié au poivre jaunet.
Item, qui veult, l'en le dore.
Item, au tuer, soit fendu de la teste jusques aux espaules.
Item, sont aucune fois escorchiés et revestus.
CIGNE REVESTU en sa pel à toute la plume. Prenez-la et l'enflez
par entre les espaules, et le fendez au long du ventre: puis ostez la pel
à tout le col couppé emprès les espaules, tenant au
corps les piés; puis mettre en broche, et l'arçonnez et dorez.
Et quant il sera cuit, soit revestu en sa pel, et que le col soit bien
droit ou plat; et soit mengié au poivre jaunet.26
M. Pichon's Notes:
[p. 177]
1Cette recette s'arrête ici dans le G.C., f. 15.
[p. 178]
3Redoublement du mot tuer qui précède, acorer, ou acourer signifiant percer ou ôter le coeur. Voy. Du Cange, au mot Acorarius. Le mot décoré que j'ai cru (p. 128, n.1) une faute pour décolé, doit avoir la même racine.
[p. 179]
4G.C., 16. Répétition du § 3 de la page 88.
5Avoit coutume, solebat.- G. C., 15 v°.
9Le G. C., qui donne cette recette, mais avec beaucoup de fautes, la termine en ajoutant après ces mots: et le fait-on lyant de pain. Voy. p. 155.
10Il semble qu'il s'agit la d'une queue de sanglier véritable donnant au mets une saveur très-prononcée, et non plus de la sausse du même nom, comme j'avois cru devoir l'interpréter, p. 155, n. 3, a l'occasion d'une recette analogue de ce même plat.
11Var., Ms. C, char ou grain. Voy. p. 150, n.1. - G.C., 16.
[p. 180]
12Diminuer, perdre de leur graisse.
13Ici l'auteur répète dans les mêmes termes ce qu'il a dit page 88, ligne dernière.
14Ce mot se trouve dans tous les ouvrages de cuisine et d'économie rurale, mais il n'est nulle part clairement expliqué. Il signifie ou de très-jeunes chapons (Voir Nicot qui le traduit par capus junior), ou plutôt des poulets d'un an ou un peu plus, sur le point d'être chaponnés (Maison rustique, 1570, 28 v°. Le G. C. qui donne cette recette p. 18, supprime les trois premiers mots: Poucins gros comme.
[p. 181]
15Voy. ci-devant p. 89. - G.C., 18.
16Amincie réduite, comme le cuir se durcit et se condense par l'opération du tannage?
17Répétition dans les mêmes termes du § 2 de la page 89.
[p. 182]
18Comme les oiseaux étoient souvent pris par le moyen de la fauconnerie, ils ne paroissoient sur la table que privés des portions qui constituoient les droits de l'oiseau chasseur. La tête de la perdrix et du canard, la cuisse de la grue, etc., appartenoient a l'oiseau. Ce qui étoit d'abord le résultat des habitudes des fauconniers devint plus tard une règle d'étiquette culinaire. C'est pourquoi l'auteur dit: Laissez àceux (des oiseaux servis sur la table) à qui il appartient. - Ce qui précède est certain pour les tétes et les pieds, mais je ne me rappelle pas avoir vu que les queues des oiseaux pris à la chasse aient quelquefois été le sujet d'un droit de fauconnerie. Les seigneurs ont cependant pu se réserver la queue du héron ou d'autres oiseaux, mais peut-être aussi laissoit-on la queue simplement aux oiseaux dont les plumes étoient les plus brillantes et produisoient le meilleur effet sur la table.
[p. 183]
22Je trouve ce même préjugé consigné dans le Thrésor de santé, Lyon, 1616, in-8°, p. 226. "On croit qu'il vit de l'air comme l'oiseau de paradis, en latin manucodiata, qu'on nous apporte des Moluques, parce qu'on ne luy treuve rien du monde dans le gisier. Il ne se doit éventrer." G. C., 19. - Le premier alinéa est reproduit presque identiquement dans Taillevent manuscrit (Bibl. royale).
23Voir ci-dessus, p. 90, lignes 6, 7, 8, l2, 13.
25Je crois que ce mot signifie ici attacher à la broche à l'aide de petites brochettes retenant le rôti comme les arçons d'une selle retiennent le cavalier. Le G.C. qui donne cette recette, f. 19, dit en effet: Arconnez de brochettes.
[p. 184]
26Le Grand Cuisinier
donne (f. 27 v°) une recette bien plus détaillée
d'un cygne ainsi apprêté. Je crois devoir la reproduire ici.
"Prenez un cigne, et l'appareillez et le mettez rostir tant qu'il
soit tout cuit, puis faictes de la paste aux oeufs, aussi claire que papel,
et la coulez dessus ledict cigne en tournant en la broche tant que la paste
se puisse cuire dessus, et gardez qu'il n'y ait rien, rompu ne aisles ne
cuisses, et mettez le col du cigne ainsi comme s'il nageoit en eau, et
pour le faire tenir en ce poinct, il faut mettre une brochette en la teste
qui vienne respondre entre les deux aisles, passant tout outre, tant qu'elle
tienne le col ferme, et une autre broche au dessouz des aisles, et une
autre parmy les cuisses, et une autre au plus près des pates et
à chacun pied trois pour estendre les pieds: et quant il sera bien
cuit et bien doré de paste, tirez hors les broches, excepté
celle du col, puis faictes une terrasse de paste bise, qui soit espoisse
et forte, et qu'elle soit d'un poulce d'espaisseur, faicte à beaux
carneaux tout autour, et qu'elle soit de deux pieds de long, et d'un pied
et demy de large, ou un peu plus, puis la faictes cuire sans bouillir,
et la faictes peindre en verd comme un pré herbu, et faictes dorer
vostre cigne de peau d'argent, excepté environ deux doigts près
du col, lequel faut dorer, et le bec et les pieds, puis ayez un manteau
volant , qui soit de sandal vermeil par dedans, et dessus ledict manteau
armoyez de telles armes que vous voudrez, et autour du cigne hait (ait
ou huit?) banières, les bastons de deux pieds et demy
de long à banières de sandal, armoyes de telles armes que
dessus, et mettez tout en plat de la façon de la terrasse, et le
présentez à qui vous voudrez."