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Le Ménagier De Paris
DE1 LA
DEUXIÈME
DISTINCTION
LE QUART ARTICLE
[p. 80]
QUI VOUS DOIT APRENDRE QUE VOUS, COMME SOUVERAIN MAISTRE DE VOSTRE HOSTEL,
SACHIEZ COMMANDER ET DEVISER A MAISTRE JEHAN DISNERS ET SOUPPERS, ET DEVISER
MÈS ET ASSIETES.
Et à ce commencement je vous mettray aucuns termes servans aucun
pou, et qui vous donront com- mencement ou au moins esbatement.
Primo, pour ce qu'il convient que vous envoiez maistre Jehan ès
boucheries, cy-après s'ensuivent les noms de toutes les boucheries
de Paris et leur délivrance de char.
A la Porte-de-Paris2
a dix-neuf bouchiers qui par estimation [p.
81] commune vendent, pour sepmaine,
eulx tous, l'un temps parmi l'autre, et la forte saison portant la
[p.
82] foible, dix neuf cens moutons, quatre cens beufs, quatre
cens pourceaulx, et deux cens veaulx.
[p. 83]
Sancte-Geneviefve: cinq cens moutons, seize beufs, sieze porcs, et six3 veaulx4. Le Parvis: quatre-vint moutons, dix beufs, dix veaulx, huit porcs.
A Saint-Germain a treize bouchiers; deux cens moutons , [p. 84] trente beufs , trente veaulx , cinquante porcs.
Le Temple, deux bouchiers; deux cens moutons, vint-quatre beufs , vint-huit5 veaulx , trente-deux porcs.
Saint-Martin deux cent cinqante moutons, trente-deux beufs, trente-deux veaulx, vint-deux6 porcs.
Somme des boucheries de Paris, pour sepmaine, sans le fait du Roy et de la Royne et des autres nos seigneurs de France, trois mille quatre-vint moutons, cinq cent quatorze beufs, trois cent six veaulx, six [p. 85] cens porcs7. Et au vendredi absolut8, sont vendus de deux mille à trois mille lars.9
Pour ce qu'il a cy-devant esté parlé du fait du bouchier et poullaillier, le fait de l'ostel du Roy en office de boucherie monte bien, pour sepmaine, six-vints moutons, sieze beufs, sieze veaulx, douze porcs: et par an deux cens lars.
Le fait du poullaillier: par jour, six cens poullailles, deux cens paires de pigons, cinquante chevriaux, cinquante oisons.
La Royne et les enfans. Boucherie, pour sepmaine, quatre-vins moutons, douze veaulx, douze beufs, douze porcs: et par an six-vins lars. - Le fait du poullaillier: pour jour, trois cens poullailles, trente-six chevreaulx, cent cinquante paires de pigons, trente-six oisons.
Orléans 10 aussi.
Berry aussi.
Les gens de Monseigneur de Berry dient que aux dimenches et grans festes, il leur convient trois beufs, trente moutons, huit-vins douzaines de perdris, et connins à l'avenant, mais j'en doubte. -Avéré depuis. - Et est certain que 11 plusieurs grans festes, dimenches et jeudis, mais le plus commun des autres jours est à deux beufs et vingt moutons. - Nota encores que à la court de Monseigneur de Berry on fait livrée à pages et à varlets des joes de beuf, et est le museau du beuf taillié à travers, et les mandibules demeurent pour [p. 86] la livrée comme dit est. - Item , l'en fait du col du beuf livrée ausdis varlets. - Item, et ce qui vient aprés le col est le meilleur de tout le beuf, car ce d'entre les jambes de devant , c'est la poitrine, et ce dessus, c'est le noyau. 12
Bourgoingne , de parisis à tournois du Roy.13
Bourbon ,la moitié du fait de la Royne.
Item, et sans espandre ou baillier vostre argent chascun jour, vous pourrez envoïer. maistre Jehan au bouchier, et prendre char sur taille,14 considérant ce qui s'ensuit:
En la moitié de la poitrine de beuf a quatre pièces, dont la primière pièce a nom le grumel;15 et toute celle moitié couste dix blans16 ou trois sols. En la longe a six pièces, et couste six sols huit deniers ou six sols. La surlonge trois sols. Ou giste17 a huit pièces et est la plus grosse char, mais elle fait la meilleure eaue18 après la joe; et couste le giste, huit sols.
Le quartier de mouton a quatre pièces ou trois pièces et l'espaule, et couste huit blans ou trois sols.
Le quartier de veel, huit sols. Porc....19
[p. 87]
Et nota que ce que l'en dit la poictrine d'un beuf, l'en dit le brichet d'un mouton: et quant l'en parle d'un cerf, l'os d'icelle poictrine est nommé la hampe.
De la poictrine d'un beuf, la première pièce qui part d'emprès le colet est appellée le grumel , et est la meilleur. D'un mouton, le flanchet est ce qui demeure du quartier de devant quant l'espaule en est levée.
Item, l'en dit le couart20 d'un cerf. - Item, les dentés sont les c.....ns.
La surlonge trois sols. La longe six sols. La char d'un mouton dix sols.
Après ces choses, convient dire et parler d'aucuns termes généraulx qui regardent fait de queurie21 en aucune qualité, et après sera monstré à congnoistre et choisir les viandes desquelles l'en doit ouvrer comme il s'ensuit:
Primo, que en toutes sausses et potages lians en quoy l'en broie espices et pain, l'en doit premièrement broïer les espices et oster du mortier, car le pain que l'en broie après, requeut ce qui des espices est demouré; ainsi on ne pert rien ce qu'on perdroit qui feroit autrement.
Item, des espices et lieures22 mises en potages, l'en ne doit riens couler,23 combien que sausses si fait, afin que les sausses soient plus clères et aussi plus plaisans.
Item, sachiez que pou advient que pois ou fèves ou autres potages s'aoursent,24 se les tisons ardans ne touchent au cul du pot quant il est sur le feu. - Item, [p. 88] avant que ton potage s'aourse, et afin qu'il ne s'aourse, remue-le souvent au cul du pot et appuie ta cuillier au fons, afin que le potage ne se preigne là. Et nota que si tost que tu apparceveras que ton potage s'aoursera, si ne le remue point; mais l'oste tantost de dessus le feu et le mets en un autre pot.
Item, nota que communément tous potages qui sont sur le feu surondent et s'en vont sur le dit feu jusques à ce que l'en ait mis au pot sel et gresse, et depuis, non.
Item, nota que le meilleur chaudeau qui soit, c'est de la joe de beuf lavée en eaue deux fois ou trois, puis boullir et bien escumer.
Item, l'en scet se un connin est gras, à luy taster un nerf ou col entre les deux espaules, car là scet-l'en s'il a grosse gresse par le gros nerf; et s'il est tendre, l'en le scet à luy rompre une des jambes de derrière.
Item, nota qu'il y a différence entre les queux, entre boutonner et larder, car boutonner est de girofile et larder est de lart.
Item, des brochets, le laictié vault mieulx que l'ouvé , se ce n'est quant l'en veult faire rissolles, pour ce que des oeuvés l'en fait rissolles, ut patet in tabula. Des brochets, l'en dit lancerel, brochet, quarrel, lux et luceau.25
Item, aloze franche entre en Mars en saison.
Item, carpe doit estre très cuite , ou autrement c'est péril de la mangier.
Item, plais26 sont doulces à applanier à la main, et lymandes au contraire.
Item , à Paris, les oyers27 engressent leurs oies de [p. 89] farine, non mie la fleur ne le son, mais ce qui est entre deux , que l'en appelle les gruyaux ou recoppes: et autant comme ils prennent de ces gruyaux ou recoppes, autant mettent-ils d'avoine avec, et meslent tout avec un petit d'eaue, et ce demeure ensemble espais comme paste, et ceste viande mettent en une goutière28 sur quatre piés, et d'autre part, de l'eaue et lictière nouvelle chascun jour, et en quinze jours sont gras. Et nota que la lictière leur fait tenir leurs plumes nettes.
Item, pour faisander chapons et gélines, il les convient saignier par la gueule et incontinent les mettre et faire moirir en un scel d'eaue très froide, et il sera faisandé ce jour mesmes comme de deux jours tué.
Item, l'en congnoist les jeunes malars29 des viels, quant ils sont aussi grans les uns comme les autres, aux tuyaux des esles qui sont plus tendres des jeunes que des vieulx. - Item, l'en congnoist ceulx de rivière à ce qu'ils ont les ongles fins, noirs, et aussi ont les piés rouges, et ceulx de paillier30 les ont jaunes. Item, ont la creste31 du bec, c'est assavoir le dessus, vert tout au long, et aucunes fois les masles ont au travers du col, endroit le hasterel,32 une tache blanche, et sont tous d'un plumage et ont la plume de dessus la teste très ondoiant.
Item, coulons ramiers sont bons en yver, et congnoist-l'en les vieulx à ce que les venneaulx de leurs [p. 90] esles sont tout d'une couleur noire , et les jeunes d'un an ont les venneaulx33 cendrés et le surplus noir.
Item, l'en cognoist l'aage d'un lièvre au nombre des pertuis qui sont dessoubs la queue, car pour tant de pertuis, tant d'ans.
Item, les perdris qui ont les plumes bien serrées et bien joinctes à la char, et sont arrangéement et bien joinctes et sont comme les plumes sont sur un esprivier, sont fresches tuées: et celles dont les plumes se haussent contremont et laissent la char et se desrangent de leur siége et vont sans ordre çà et là, sont vieilles tuées. - Item, à tirer les plumes du braier,34 le sent-l'en.
Item, la carpe qui a 1'escaille blanche et non mie jaune ne rousse, est de bonne eaue. Celle qui a gros yeulx et saillans hors de la teste, et le palais et langue mols et ouny, est grasse. Et nota, se vous voulez porter une carpe vive par tout un jour, entortilliez-la en foing moullié et la portez le ventre dessus, et la portez sans luy donner air, c'est assavoir en bouges ou en sac.
La saison des truites commence en35.... et dure jusques à Septembre. Les blanches sont bonnes en yver, et les vermeilles 36 en esté. Le meilleur de la truite est la queue, et de la carpe c'est la teste.
Item, l'anguille qui a menue teste, becque délié, [p. 91] cuir reluisant , ondoiant et estincelant, petis yeulx gros corps et blanc ventre, est la franche. L'autre est à grosse teste, sor37 ventre, et cuir gros et brun.
Cy-après s'ensuivent aucuns disners et soupers de grans seigneurs et autres, et notes sur lesquels vous pourrez choisir, reconqueillir38 et aprendre des quels mets qu'il vous plaira, selon les saisons et les viandes qui seront ès pais où vous serez, quant vous aurez à donner à disner ou à soupper.
M. Pichon's notes (1846):
[p. 80]
1Le Ms. C porte avant ces mots, Cy commence le Viandier. C'est pour-quoi j'ai renvoyé au Viandier dans diverses notes de cet ouvrage.
2On appeloit ainsi l'espace placé entre les reus Sant-Denis, Pierre-à-Poisson et la Grande-Boucherie, devant laquelle il se prolongeoit jusqu'a la rue Pied-de-Boeuf. (Voir Corrozet, éd. 1543, le Plan de Turgot, etc.) Cet espace est aujourd'hui compris dans la place du Châtelet. Mais l'auteur désigne ici sous ce nom, la grande boucherie de la Porte-Paris, connue sous le seul titre de Grande-Boucherie, sur l'emplacement de laquelle la grande maison de la place du Châtelet qui fait face au pont au Change, me semble avoir été construite.
On peut voir dans du Breuil (éd. 1612, p. 1053),
mais mieux dans Sauval (I, 623), les Variétés historiques
(I, 170), et surtout dans le Traité de la Police de Lamarre,
des détails sur l'origine de cet établissement dont l'existence
signalée dès le commencement du XIIe siècle,
remontoit peut-être aux temps de la domination Romaine. La
propriété
des étaux de cette bouchereie, au nombre de trente-deux au
XVe
siècle, et plut tard de vingt-neuf, et le droit d'être reçu
maître boucher (à sept ans et un jour), appartenoient
exclusivement
aux rejetons mâles d'un petit nombre de familles. A leur joyeaux
avenement seuelement les rois de France pouvoient faire un nouveau maître
de chaque profession. (C'est ainsi qu'en 1436, Oudin de La-dehors tige
d'une de ces familles dont il est parlé ci-dessus, parvint à
la [p. 81] maîtrise
par cession de Guillaume Lefevre dit Verjus queux du roi Charles
VII, que ce prince avoit créé maître boucher à
son joyeux avénement et confirmé à son entrée
dans Paris). Mais plus tard ce droit paroît être tombé
an désuétude, s'il ne fut pas racheté par les
bouchers.
Depuis 1358 au moins, la grande boucherie étoit le siège d'une importante juridiction devant laquelle les bouchers pouvoient évoquer toutes leurs causes, et dont les appels se relevoient devant le parlement. Cette juridiction se composoit: 1o d'un maire ordinairement membre du Châtelet (avocat du roi, conseiller ou avocat au Châtelet), qui me semble avoir dû être nommé par le roi ou le prévôt de Paris encore en 1430, car dans le registre de la boucherie pour cette année, son nom est placé avant celui du maître, ce qui n'auroit pas eu lieu, je crois, s'il n'eût tenu ses pouvoirs que de la communauté. En 1461, il étoit élu par le maître en présence, et je pense par les suffrages des quatre jurés, du procureur et du receveur de la communauté, de deux écorcheurs jurés et des maîtres bouchers; 2o d'un maître de la grande boucherie (un des bouchers les plus riches) nommé à vie par douze électeurs désignés eux-mêmes par tous les maîtres bouchers. Le maire et le maître ne siégeoient pas ordinairement tous les deux à la fois, et il n'est pas facile de définir les différences existant entre leurs attributions. La puissance du maire me semble au reste avoir été successivement restreinte; ainsi, tandis qu'en 1431 il désigne le maître pour tenir ses plais, ce qui semble placer le pouvoir judiciaire dans la personne du maire, on voit la communauté décider, en 1470, que le maître sera nommé et intitulé aux lettres et actes qui se feront en la justice de la boucherie, excepté quand on besognera contre le maître, sera nommé et intitulé le maire (les actes et jugemens seront rendus en son nom); 3o d'un procureur (au Châtelet); 4o d'un tabellion qui étoit aussi ordinairement procureur au Châtelet. Les quatre jurés nommés annuellement, le vendredi d'aprés la Saint-Jacques (25 juillet), par quatre électeurs désignés par l'ensemble de la communauté, remplissoient l'office de ministère public devant ce tribunal, et pouvoient provisoirement et par euxmêmes saisir des viandes suspectes, et comme aussi le maire et le maître envoyer préventivement en prison les malfaiteurs. Cette juridiction avoit le plus souvent à juger les violences des garçons bouchers, des malversations commerciales, des réclamations de dettes contractées par des bouchers, etc. La boucherie avoit en outre un conseil de parlement et un conseil de Châtelet; c'étoient deux membres de ces juridictions chargés des intérêts de la communauté et rétribués par elle. - La mairie de la [p. 82] grande boucherie dura jusqu'en 1673 que Louis XIV la réunit au Châtelet.
Les rejetons mâles des familles propriétaires de cet établissement étoient tenus d'exercer par eux-mêmes ou au moins de leurs deniers la profession de leurs pères. On voit dans Lamarre (t. II, p. 560), qu'au XVIe siècle, beaucoup de descendans de ces ancienness familles occupoient des positions assez élevées , et avoient abandonné le commerce de la boucherie; mais il ne faut pas croire qu'aux XIVe et XVe siècle ces riches bouchers s'occupassent par eux-mêmes des détails de leur profession. Beaucoup avoient pour tailler et vendre leurs chairs, des valets répondans du produit de la vente, et se bornoient à les surveiller et à traiter en grand et par des facteurs le commerce des bestiaux destinés à l'approvisionnement de Paris.
Un arrêt rendu en 1383 (7 mars) pour Jehan Le Pontonnier et Louis Thibert héritiers, à cause de leurs femmes, de Guillaume de Saint-Yon, contre la veuve de ce dernier, établit d'une manière aussi curieuse que certaine, l'étendue et la nature des richesses très-diverses que possédoit ce boucher, le plus riche de la Porte-Paris, et la nature de ses occupations commerciales. Il est dit qu'il étoit propriétaire de trois étaux: qu'il y faisoit vendre chaque semaine des viandes pour 200 livres parisis , sur quoi il bénéficioit de 20 ou 30 livres; il avoit une rente de 600 livres, quatre maisons de campagne près Paris, bien fournies de meubles et d'instrumens aratoires: de grandes coupes, des hanaps, des aiguières, des tasses d'argent de grand prix, des coupes de madre avec des pieds d'argent d'une valeur de 100 fr. et plus; sa femme avoit pour plus de 1000 fr. de joyaux, ceintures, bourses, épingliers; des robes longues et courtes bien fourrées, 3 manteaux fourrés de gris: de très-beau linge. Il possédoit en outre 300 cuirs de boeuf valant bien 24 s. la pièce, 800 mesures de graisse valant 3 s. et demi, et 800 moutons de 10 s.; 5 ou 600 florins d'argent comptant. On évaluoit ses biens meubles à 12000 florins. Son sceau étoit d'argent; il avoit donné 2000 florins de dot à ses deux nièces, et avoit dépensé 3000 florins à rebâtir sa maison de Paris (Jugés, XXX, 198 vo). Après cette énumération de richesses énormes pour le temps, peut-on s'étonner de l'influence si puissante de ces maîtres bouchers , signalée dans tous les historiens du XVe siècle?
La famille de ce Guillaume de Saint - Yon, que Du Breuil
et l'abbé Lebeuf ont cru, mais sans preuve , être issue de
celle des anciens seigneurs de Saint-Yon près Montlhéry.
(Lebeuf, X , 260), étoit la plus puissante [p.
83] de la grande boucherie. Elle y exerçoit
comme aussi celle Thibert , la profession de boucher au moins dès
1260 (Reg. de la Boucherie). Au XVIIe siècle, ces deux
familles restées seules des vingt existantes en 1260, étoient
avec celles de Ladehors et Dauvergne, en possession exclusive des vingt-neuf
étaux de la grande boucherie; elles furent réduites à
trois en 1660, par l'extinction des Dauvergne. Plusieurs de leurs membres
étoient sans doute sortis du commerce de la boucherie pour occuper
des emplois plus importans, et étoient seulement propriétaires
d'étaux qu'ils louoient, mais d'autres étoient restés
dans ce commerce, et c'est assurément à un descendaut de
l'ancienne famille Thibert qu'il faut attribuer l'histoire singulière
du boucher de ce nom chez le chevalier de Bragelongue, vers 1680. Sandras
de Courtilz rapporte dans les entretiens de Colbert avec Bouin (Banyn,
I, 67), que ce boucher, qui étoit gros joueur, couroit chez le chevalier
dès qu'il avoit vendu sa viande, et là, avec son tablier
et sa camisole rouge, jouoit 3 ou 400 pistoles à la fois. Le duc
de Roquelaure (Gaston-Jean-Baptiste, mort en 1683), qui connoissoit cependant
Thibert, voulant un jour le plaisanter sur sa mise, s'écria :
Masse à la camisole rouge! en mettant une poignée de
louis sur la table. Le boucher, sans s'émouvoir, accepta le défi
en répondant aussitôt : Top et tinhgue au cordon bleu!
et ayant eu les dés et les rieurs pour lui, releva gaiement
l'argent du duc.
(J'ai consulté pour cette note les 106 premières pages,
années
1430 à 1483, de l'extrait du registre de la grande boucherie,
no
290 du Cabinet généalogique, dont mon ami M. de Lincy m'a
signalé l'existence.)
4Cette boucherie, située sur la Montagne Sainte-Geneviève, existoit au moins dès 1245, selon Sauval. Elle avoit été fondée par une émigration des bouchers de Saint-Marcel . - Suivant une plaidoirie du 30 avril 1377 (Félibien, t. IV , p. 532 ) ces deux boucheries, que l'auteur du Ménagier a peut-être confondues à dessein à cause de leur communauté d'origine [p. 84] existoient de toute antiquité; elles auroient compté anciennement cent vingt bouchers, mais n'en avoient plus alors que trente-cinq. Au temps de Sauval, il n'y avoit plus que quatorze étaux. Les Le Gois, chefs des émeutiers parisiens au XVe siècle, étoient bouchers de Sainte-Geneviève
On croit que la boucherie du Parvis était la plus ancienne de Paris. Lamarre dit que Philippe Auguste en fit don à l'évêque de Paris quand les bouchers l'eurent abandonnée pour se fixer à la Porte-Paris. Suivant Sauval, ce prince n'auroit fait que les confirmer dans une possession antérieure. Caboche étoit écorcheur dans cette boucherie en 1411.
On ignore l'époque du premier établissement de la boucherie de Saint-Germain; peut-être étoit-elle aussi ancienne que l'abbaye. Elle n'avoit d'abord que trois étaux , mais en 1274 l'abbé Gérard en fit bâtir seize autres dans l'endroit ou est aujourd'hui la rue des Boucheries. (Félibien, I, 429.)
La boucherie du Temple fut établie par les Templiers. Ils transigèrent à ce sujet avec les bouchers de la Porte-Paris en 1182, selon Félibien, mais seulement en 1282 selon Lamarre que je crois avoir été mieux informé. Elle étoit rue de Braque et se Composoit de deux étaux seulement.
La boucherie de Saint-Martin me paroît devoir être la même que celle dite de Saint-Nicolas-des-Champs , et qui étoit située rue Saint-Martin, au coin de la rue Aumaire. Sauval qui est à ma connoissance le seul auteur qui en parle, ne cite rien de plus ancien a son sujet que la réparation faite en 1426 de la maison ou elle étoit située.
Il est étonnant que l'auteur du Ménagier n'ait pas parlé ici de la boucherie de Saint-Éloi établie rue Saint-Paul par le prieur de Saint-Éloi, en vertu des lettres du régent (depuis Charles V) en date du 30 novembre 1358. ( Trés. des Chartes, 90, 131.)
[p. 85]
7Cela fait 3130 moutons, 512 boeufs, 528 porcs (538 suivant A), et 306 veaux (310 suivant A et 320 suivant C). Voir dans l'Introduction mes observations sur ces renseignemens statistiques.
8Vendredi saint. C'est encore l'époque de la foire aux jambons.
9Porc salés. Voy. Du Cange au mot Lardum.
[p. 86]
12Aujourd'hui talon de collier, chair levée sur les trois dernières côtes.
13C'est-à-dire comme 20 est à 25 ou un cinquième en moins que le Roi. Ce devoit donc être par semaine 96 moutons, 12 ou 13 boeufs, autant de veaux, 9 ou 10 porcs, 160 lards par an, et par jour 480 volailles, 160 paires de pigeons, 40 chevreaux, 40 oisons.
14En marquant sur une taille la quantité prise chaque fois, comme cela se fait encore pour le pain.
15Gros bout de poitrine. Voir sur la longe, etc., p. 130.
16Les blancs valoient 10 deniers, mais l'auteur doit entendre ici par ce mot le petit blanc, monnoie de compte de 5 deniers. C'est comme s'il disoit que le prix de cette pièce varie de 4 sols 2 deniers à 3 sols. Le marc d'argent (52 fr. de notre monnoie) valoit 6 l. 5s.
17Ou trumeau, partie de la cuisse et aussi de la jambe de devant.
19Ligne laissée en blanc dans les manuscrits.
[p. 87]
20Je n'ai pas vu ce mot dans les anciens auteurs de vénerie; ce doit être le quoier ou cimier (croupe) du cerf.
24S'attachent au fond du pot, brûlent.
[p. 88]
25Les petits sont appelés lancerons: les moyens, brochets: les plus gros, quarreaux (Delices de la campagne, ch. XVIII).
[p. 89]
29Canards mâles, et ici canards en général.
30D'abord lieu où on resserroit la paille, et par extension bassecour.
33Suivant l'empereur Frédéric II, chapitre L, les ailes des oiseaux se composent de vingt-six plumes: 1o quatre plus près du corps dites corales ou les coraux; 2o les douze suivantes, qui sont les vanneaux; 3o dix autres extérieures (forinsecae), dites les couteaux, à l'exception de la dernière [p. 90] qu'on appelle le cerceau (saxellus); les fauconniers postérieurs parlent bien du cerceau (seul des oiseaux de proie, l'autour avoit trois plumes portant ce nom), des couteaux et des vanneaux (d'Arcussia, éd. 1627, p. 248, dit que ce sont les plumes adhérentes au second os de l'aile, et cette définition concorde bien avec celle de l'empereur Frédéric II) mais non des coraux ou plumes corales.